TROIS CAMPAGNES D'ALSACE : TROIS ETAPES DE LA GRANDEUR FRANCAISE 1674 – 1793 – 1945
Texte Nicolas Marival, Illustrations de Guy Arnoux.
Alsatia, 1946
Recensé par Martine Scius
Ce livre édité en 1946 et s’adressant à des enfants met en scène Olivier et Catherine (12 et 10 ans) qui passent leurs vacances dans la maison de campagne familiale où ils retrouvent à la fin de la guerre leur oncle Jacques, officier, lieutenant de cuirassiers, qui a participé avec la 1ère Armée française à la libération de l’Alsace en 1945. Ce blessé de guerre en convalescence va raconter à ses neveux, auditeurs passionnés et enthousiastes, les 3 campagnes françaises qui se sont déroulées sur le sol alsacien pour repousser les « envahisseurs » (la campagne de Turenne en 1674, celle de Hoche en 1793 et la campagne de 1944-45). L’oncle Jacques rappelle les faits historiques qui mettent en contexte les actions militaires. Puis il détaille les actions militaires, les mouvements de troupes, les faits d’arme. Il présente les grands militaires Turenne et Hoche, dont il détaille les biographies.
- La campagne de Turenne 1674-1675 : l’objectif est de repousser les Impériaux du sol alsacien. L’oncle Jacques procède à une description détaillée du contexte politique de l’époque, de l’organisation militaire, de l’état des armements, des uniformes des hommes, du moral des troupes. Il nous offre une biographie intéressante de Turenne.
- La campagne de Hoche 1793. L’oncle Jacques apporte des explications sur le contexte politique pendant la Révolution et il décrit les campagnes militaires menées par la France contre le reste de l’Europe après la Révolution et notamment celles se déroulant sur le front Est. Il évoque la réorganisation des armées menée par Lazare Carnot, les soldats de l’an II, les attaques, contre-attaques, retraites, la genèse de la Marseillaise… pendant cette période très troublée. L’oncle Jacques nous parle abondamment du général Hoche qui s’est marié avec une alsacienne (enfin, de Thionville, petite erreur)
- La campagne de 1944-45. L’oncle Jacques qui a participé à cette campagne au sein de la 1ère Armée française Rhin et Danube menée par le général de Lattre, retrace l’avancée des armées en Alsace pour la libération du pays. Il évoque les relations avec les commandements alliés, les forces en présence et les combats et notamment les grosses difficultés des troupes lors des opérations dans les Vosges, la prise de Strasbourg et la poche de Colmar lors de l’hiver particulièrement rigoureux 44/45, mais également la liesse des populations qui les ont accueillis.
Ce récit au style emphatique et ampoulé, accessible à un jeune public, constitue avec ses envolées lyriques, un vibrant récit à la gloire des armées françaises ayant « délivré » à 3 reprises au cours des derniers siècles, le sol alsacien. Evidemment l’oncle Jacques s’enorgueillit des victoires françaises, il souligne à de nombreuses reprises le courage et l’abnégation des soldats des 2 camps, mais passe sous silence les souffrances des populations et les destructions. Aucun bilan humain des pertes militaires ou civiles n’est mentionné, mais le but n’est pas là. Ce livre est un récit à la gloire de l’armée française, de ses militaires et de ses chefs, écrit manifestement pour éduquer les jeunes qui devront être profondément reconnaissants des sacrifices faits par ces hommes pour vivre dans un pays «libre», c'est-à-dire français, dans le ton du roman national régnant en maître à l'époque. On est très loin d'une histoire régionale objective.
L’auteur n’a semble-t-il écrit qu’un autre texte d’exhortation militaire. Les superbes illustrations sont des aquarelles de Guy Arnoux, un des peintres militaires les plus célèbres du XXème siècle. Une carte qu’il a dessinée permet de suivre les différentes campagnes.
Le lecteur du XXIème siècle est médusé par le ton martial des divers récits destinés à un jeune public et ne peut que s’interroger sur la fascination de ces enfants pour les exploits militaires au sortir d’une guerre particulièrement meurtrière.