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Un véritable hommage aux morts de la Première Guerre mondiale des communes d'Alsace et de Moselle ne peut avoir lieu à travers la lecture de témoignages de soldats français, puisque l'immense majorité de ces soldats sont morts sous l'uniforme feldgrau de leur patrie d'alors, l'Allemagne. Le respect du vécu de ces soldats autant que la transmission de l'histoire régionale et locale aux jeunes générations imposent la lecture de témoignages d'Alsaciens ou de Mosellans, militaires ou civils, et, donc, de donner à connaître la Première Guerre mondiale du côté qui a le plus de sens pour nous, c'est-à-dire du côté allemand. C'est pourquoi, Unsri Gschìcht propose ci-dessous un échantillon de textes pour des lectures publiques lors des cérémonies du 11 novembre en Alsace et en Moselle. Ils apparaissent rangés par thèmes, avec indication de la source sous chaque extrait.
La tristesse des adieux (1914)
« Mon père et ma sœur rendirent une dernière visite pour me donner de l'argent et me faire leurs adieux. L’ordre fut donné aux civils de quitter la cour de la caserne. J’obtins cependant la permission de parler à ma famille devant le portail.. Ce fut une séparation pénible, puisque nous ne savions pas si l'on se reverrait un jour. Nous pleurions tous les trois. En s'en allant, mon père me recommanda d'être toujours très prudent et de ne jamais me porter volontaire pour quoi que ce soit. Cet avertissement était superflu, car mon amour de la patrie n'était pas considérable, et l'idée de "mourir en héros", comme on dit, me faisait frémir d'horreur ».
Dominik Richert, Cahiers d’un survivant, La Nuée Bleue, 1994, p. 14, traduction par Marc Schublin.
Kaiser Wilhelm Kaserne in Mülhausen (Coll. part.).
Version originale allemande
« Da kamen mein Vater und meine Schwester nochmals zu mir, um mir Geld zu bringen und Abschied zu nehmen. Nun kam der Befehl, daß kein Zivilist mehr den Kasernenhof betreten darf. Ich erhielt dann die Erlaubnis, vor dem Kasernentor noch mit meinen Angehörigen zu sprechen. Es war ein schwerer Abschied, denn man wußte nicht, ob wir uns wiedersehen würden. Wir weinten alle drei. Beim Fortgehen ermahnte mich mein Vater, ja immer recht vorsichtig zu sein, und daß ich mich nie freiwillig zu irgend etwas melden sollte. Diese Mahnung war eigentlich nicht nötig, denn meine Vaterlandsliebe war nicht so groß, und der Gedanke, den sogenannten Heldentod zu sterben, erfüllte mich mit Grauen ».
Dominik Richert, Beste Gelegenheit zum Sterben, Knesebeck & Schuler, 1989, p. 16.
Percée française dans les Vosges, vue par un civil (1914)
« Le 14 et le 15 août cela a chauffé. Les artilleries des deux armées se bombardaient sans discontinuer. Le 15 vers midi, l'ennemi l'a emporté grâce à sa supériorité numérique, et le soir l'infanterie noire [couleur des chasseurs alpins français] a dévalé les pentes vers la vallée comme une avalanche, notre infanterie s'est défendue héroïquement jusqu'au bout, mais c'était en vain contre une telle masse. Le dimanche, Soultzeren et Stosswihr étaient français, les coups de feu claquaient, cela grouillait de ces maudits envahisseurs noirs et rouges. Notre chère petite église si tranquille s'est trouvée transformée en caserne dans laquelle nichaient ces hordes sauvages sur des tas de paille. Maintenant, nous les avons sur le dos, peut-être pour longtemps ».
Fritz Roess, Moi, Fritz Roess, paysan et poète, SALDE, 2020, p. 87 et 89, traduction par Philippe Elsass.
Bataille de Morhange en août 1914 (Coll. part.).
Version originale allemande
« Am 14. und 15. gings aber heiß her. Die Artillerie beider Heere beschossen sich unausgesetzt, am 15. gegen Mittag entschied es sich zu Gunsten der Übermacht des Feindes und am Abend kamen dann die schwarze Infanterie [Farbe der französischen Alpenjäger] lawinenartig von den Höhen ins Tal vordringend, die unsrige Infanterie wehrte sich aufs äußerste recht heldenhaft, aber es war nutzlos gegen solche Scharen. Am Sonntag, den 16. war Sulzern und Stossweier Französisch, den ganzen Morgen knallten die Büchsenschüsse, [es] wimmelte von diesen schwarzen und roten teuflischen Bedrängern. Das liebe, stille Dorfkirchlein war in eine Kaserne umgewandelt in dem diese wilden Horden in Haufen Stroh nisteten. Nun haben wir sie auf dem Hals, vielleicht für lange ».
Fritz Roess, Moi, Fritz Roess, paysan et poète, SALDE, 2020, p. 86 et 88.
Le premier Noël de la guerre, dans la boue de la Somme (1914)
« A Herford, je formai des recrues jusqu'à début décembre. Puis je rejoignis mon régiment près de Péronne en Picardie, dans les tranchées. C'était atroce. Le terrain était plat, les Français à environ cent mètres. Entre eux et nous, il y avait des barbelés qui retenaient des cadavres. Un Français brandit un drapeau de la Croix Rouge et nous demanda s'ils pouvaient ramasser leurs morts, ce qu'évidemment nous acceptâmes.
Il pleuvait tout le temps. La boue entrait dans les bottes. Les abris s'effondraient. Les boyaux qui partaient des tranchées vers l'arrière étaient devenus impraticables. On vécut quinze jours ainsi, jusqu'à notre départ. Du côté français, ce n'était évidemment pas mieux. On ne tirait plus. Chacun avait ses propres soucis. Triste Noël 1914. Le 12 janvier 1915, je fus nommé adjudant. Le 18, le corps d'armée fut relevé et mis en marche vers Saint-Quentin. De là, il fut expédié en Russie ».
Félix Waag, Les deux Félix. 1914-1918 vu par un combattant d'Alsace-Lorraine, Jérôme Do Bentzinger, 2003, p. 30, traduction par François Waag.
Félix Waag (Coll. Waag).
La dureté d'un combat dans les Carpathes (1915)
« On fut très inquiets lorsque l'heure de l'attaque approcha. Mais on eut cette fois-ci la chance de rester en réserve, à l'abri dans une forêt de sapins. Le 7 mai au matin, tout recommença. Quelques batteries de montagne autrichiennes bombardèrent les positions russes. Puis l'infanterie austro-allemande passa à l'assaut. Le vacarme des tirs d'infanterie et des mitrailleuses était effrayant. Il était ponctué par les explosions d'obus et de shrapnels. On put très bien suivre le déroulement du combat. On vit que beaucoup de soldats restèrent au sol, derrière les Allemands et les Autrichiens qui continuaient à grimper. Ils parvinrent néanmoins au sommet et de longues colonnes de prisonniers russes furent peu après conduites dans la vallée . Le combat continuait , preuve que les Russes, de l'autre côté de la montagne, résistaient encore.
Dominik Richert, Cahiers d’un survivant, La Nuée Bleue, 1994, p. 80, traduction par Marc Schublin.
Dominik Richert (Coll. Richert).
On reçut l'ordre de se regrouper et de se mettre en marche à notre tour. Un obus russe de gros calibre s'abattit soudain en plein rassemblement: il blessa ou tua plus de quarante hommes. Tous se dispersèrent, épouvantés. D'autres obus arrivèrent, mais ils passèrent au-dessus de nous. On dut se rassembler à nouveau, et on commença à gravir la montagne. Il y avait un très grand nombre de morts et de blessés allemands entre nos lignes et le sommet ».
Dominik Richert, Cahiers d’un survivant, La Nuée Bleue, 1994, p. 80, traduction par Marc Schublin.
Version originale allemande
« Wir lagen in Deckung gegen Sicht in einem Tannenwäldchen. Am 7. Mai morgens ging der Tanz los. Einige österreichische Gebirgsbatterien beschossen die russische Stellung. Bald ging die deutsch-österreichische Infanterie zum Sturm vor. Furchtbar prasselte das Infanterie- und Maschinengewehrfeuer. Dazwischen hörte man das Krachen der Schrapnells und Granaten. Wir konnten dem Verlauf des Kampfes zusehen. Wir sahen, daß viele Getroffene hinter den emporkletternden Deutschen und Österreichern liegenblieben. Trotzdem erreichten sie den Gipfel, und bald wurden große Kolonnen russischer Gefangener den Berg hinabgeführt. Aber der Kampf dauerte fort, ein Zeichen, daß auf der jenseitigen Seite des Berges die Russen noch Widerstand leisteten.
Nun hieß es: "Antreten, vorrücken!" Wir sammelten uns am Waldrand; plötzlich schlug eine russische schwere Granate mitten in den Haufen Soldaten und tötete und verwundete über 40 Mann. Vor Schrecken liefen wir alle auseinander. Es kamen noch mehr Granaten, sie flogen aber alle über uns hinweg. Wir mußten uns aufs neue sammeln und kletterten nun den Berg hinauf; zwischen der deutschen Stellung und dem Gipfel lagen eine Menge Toter und Verwundeter von unserer Seite ».
Dominik Richert, Beste Gelegenheit zum Sterben, Knesebeck & Schuler, 1989, p. 109-110.
Lettre d'un soldat du Landsturm, à Fribourg, à son frère (1916)
« Mon cher ! Comme tu le vois, le vieux amaigri a été mis bon pour le service. A l'armée tout va incroyablement vite, ce n'est pas la peine de râler ou de raisonner, il faut que ça marche. Je suis maintenant soldat depuis dix semaines, j'ai fait mes classes à Heitersheim au 142e pour le service de garnison. J'ai été muté ici depuis 14 jours et je dois maintenant monter la garde tous les deux jours. Tu penses bien, cher frère, que ça a été dur jusqu'à ce que je sois formé, ça craquait parfois dans les vieux os si raides. Ici ce n'est pas trop mal, je peux souvent aller voir ma famille. Jules est de nouveau en Pologne et Fritz dans la Somme... Meilleurs voeux pour un Noël paisible avec un baiser fraternel, ton frère Fritz ».
Fritz Roess, Moi, Fritz Roess, paysan et poète, SALDE, 2020, p. 117, traduction par Philippe Elsass.
Fritz Roess (Coll. Roess).
Version originale allemande
« Lieber Bruder! Siehst du, nun haben sie mich alten steifen ausgedünnten auf gut gemacht. Beim Militär geht alles unheimlich schnell, auch nützt kein mucksen und räsonieren nichts, es muß einfach gehen. Bin nun zehn Wochen Soldat, wurde in Heitersheim bei dem 142. ausgebildet für Garnisonsdienst. Bin seit 14 Tagen hierher versetzt worden und muß nun alle ander Tage Wache schieben. Meinst, lieber Bruder, das ware harte Wochen bis die ersten Griffe beigebracht waren, da knackte es ab und zu in den alten steifen Knochen. Hier gefällt mir's nun nicht übel, kann oft heim zu meinen Lieben. Julius ist wieder in Polen und Fritz an der Somme... dir eine friedliche Fest wünschend mit Bruderkuß, dein Bruder Fritz ».
Fritz Roess, Moi, Fritz Roess, paysan et poète, SALDE, 2020, p. 116.