ECOLIERS-SOLDATS
GRIMMER, Robert. Ecoliers-soldats. Les plus jeunes Malgré-nous de la seconde guerre mondiale racontent… Editions Pierron, 1989, (Collection « Documents Lorrains »), 280 pages.
Recensé par Philippe Elsass - mai 2024
Début 1943, le Troisième Reich a besoin de soldats sur le front russe, mais aussi de renforcer la défense anti-aérienne contre les bombardements de plus en plus massifs des Anglo-américains. Hitler décide alors d’incorporer des lycéens et collégiens dans la Luftwaffe pour remplacer les servants des armes anti-aériennes : ce sont les Luftwaffenhelfer, plus connus sous le vocable Flakhelfer.
On estime qu’environ 150 000 à 170 000 lycéens et collégiens, dont 1 500 à 1 700 alsaciens et mosellans, ont ainsi été incorporés dans les unités de défense anti-aérienne (la Flak). Une liste de Flakhelfer alsaciens-mosellans recensés à fin 1988 par l’auteur est donnée dans le livre, sans prétention à l’exhaustivité. Le nombre de morts au combat, sans doute important, reste inconnu encore aujourd’hui.
Le livre retrace les expériences de ces adolescents jetés dans la guerre d’après de nombreux témoignages directs et indirects, accompagnés de photos et de documents d’époque. Les destins de ces jeunes « Malgré-nous » ont été très variés, allant de désertions et de sabotages à une acceptation résignée de leur sort pour ne pas mettre en danger leur famille (Sippenhaft). Au début, la plupart servaient en groupes des deux côtés du Rhin, mais peu à peu ils se sont retrouvés en Allemagne voire sur le front de l’Est, mélangés avec leurs camarades d’infortune allemands.
Toutes aussi variées leurs aventures de la fin de la guerre, beaucoup désertaient à l’occasion de permissions ou à l’approche des troupes alliées, tandis que les plus malheureux vivaient la débâcle du front de l’Est, rentrant parfois à pied jusque chez eux.
Après la guerre, leur combat continue pour faire reconnaître leur qualité d’anciens combattants : l’administration française refuse obstinément de la reconnaître jusqu’en 1985, où elle fut enfin admise grâce à une étude du Service historique de l’armée allemande qui confirmait leur participation à des unités combattantes de la Luftwaffe sous commandement militaire.
C’est un livre globalement passionnant, on regrette surtout l’absence de références bibliographiques (le sujet a été traité beaucoup plus tôt et plus exhaustivement en Allemagne) et des interprétations un peu biaisées excusant autant la culpabilisation des « Malgré-nous » par l’administration française que les bombardements de la population civile par les Anglo-américains.