DES NAZIS HABITENT CHEZ MOI
De Mathuisieulx, Sylvie, (2020), des nazis habitent chez moi,
La nuée bleue, graine d’Histoire, 130 pages.
Recensé par Dominique Rosenblatt
Comme le roman de Marie-Laure de Cazotte (voir notre compte-rendu), celui-ci propose une lecture de la Seconde Guerre mondiale en Alsace à hauteur d'enfant. Il est cependant beaucoup moins solide historiquement, donnant même une image faussée de l'histoire régionale durant cette période".
C’est l’histoire d’une fillette juive laissée par ses parents à une compatissante voisine de palier, lorsqu’ils parviennent à s’échapper de Strasbourg devenue allemande. La situation est improbable, puis les juifs de Strasbourg, évacués avec le reste de la population vers le Sud-Ouest de la France en septembre 1939, ne sont pas rentrés dans l'Alsace annexée, de fait, allemande, en 1940.
Un jour, arrive dans l’immeuble où la fillette habite avec sa voisine, une famille allemande dont le père, qui est fonctionnaire dans l’appareil nazi, devine progressivement la situation.
La fillette profite alors d’une excursion à Grendelbruch pour fausser compagnie à sa famille d’adoption, et tenter de rejoindre les siens, quelque part en Dordogne.
Le contexte général de nazification est bien rendu. Le roman présente avec finesse les conditions de résistance passive à laquelle sont confrontés les Alsaciens, obligés de collaborer pour la forme, mais opposants discrets lorsque c’est possible, par exemple dans l’épisode où Odelia devient Odile et reçoit de faux papiers.
Par contre, outre l’invraisemblance de la situation finale, l’ouvrage instaure une équivoque aux yeux des jeunes lecteurs, en laissant croire que le français est la langue spontanée des personnages et que leur analyse de la situation est celle d’aujourd’hui. Parlant des Allemands, l’héroïne dit « boches », alors que la vraisemblance appellerait un substantif alsacien ou yiddish.
Confié à un professeur d’histoire, Benjamin Strickler, un dossier historique prolonge le récit. Il rend compte de l’évacuation de la bande rhénane, mais passe sur son aspect traumatique.
Il traite de l’Umschulung des enseignants et de l’embrigadement de la jeunesse dans des mouvements nazis, mais n’évoque que de manière globale le sort des Juifs alsaciens.
L’anecdote de la filière des passeurs de Grendelbruch, soutenus par l’abbé Hirlemann, aumônier du mont Sainte Odile, et de la personnalité d’Hélène Wucher (1924- 2019) correspond à une réalité qui a été relatée dans la presse locale.